Montréal
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Cliquez ici: Un tramway pour l’est de Montréal, un texte d’Érika Bisaillon.
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Érika Bisaillon, Radio-Canada.

 

Le collectif en environnement Mercier-Est (CEM-E) demande au gouvernement Legault de laisser l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) explorer d’autres options qu’un tracé souterrain pour le développement du transport collectif dans l’est de Montréal.

Jean-François Lefebvre, chargé de cours au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, et Denis Allard, du Fonds mondial du patrimoine ferroviaire, tous deux appuyés par le Collectif en environnement Mercier-Est, suggèrent de doter l’est de Montréal d’un réseau de train-tram et d’améliorer le service de train de banlieue.

Cette proposition améliorerait l’offre de transport collectif à un coût bien moindre que le Projet structurant de l’Est (PSE) en souterrain — plus connu sous le nom de Réseau express métropolitain (REM) de l’Est — avancé par l’ARTM au coût de 36 milliards de dollars.

Québec a d’ailleurs rejeté le mois dernier la recommandation de l’ARTM pour des raisons de coût.

Le plan de la proposition déposée mardi par le Collectif en environnement Mercier-Est (CEM-E).

Le plan de la proposition déposée mardi par le Collectif en environnement Mercier-Est (CEM-E) qui relie et combine plusieurs modes de transport collectif.

PHOTO : RAPPORT PSE

 

Le septième des coûts

La proposition du collectif consiste à implanter un réseau de tramway de surface de 37,4 kilomètres en forme de fer à cheval qui relierait le Cégep Marie-Victorin, à Montréal, à la gare de Pointe-aux-Trembles, dans l’est de l’île de Montréal. Le coût de ce réseau de 54 stations est estimé à 4 milliards de dollars, avec une marge de 30 %.

La création d’une option de transport collectif basée sur d’autres modes de transport est mise en avant par le collectif. Pour 1 milliard supplémentaire, un nouveau service de train de banlieue de Laval-Est de 21 kilomètres pourrait partir de Mascouche pour se rendre à Terrebonne, avant de desservir le quartier Saint-François, à Laval, et se connecter au service rapide par bus (SRB) Pie-IX. Selon le principe du bon mode au bon endroit, on pense que ça prend plusieurs modes combinés, explique Jean-François Lefebvre.

Le service de l’actuel train de l’est pourrait également subir une cure de jouvence pour s’étendre jusqu’à Le Gardeur, L’Assomption et L’Épiphanie, avec un service de navettes fréquentes pour offrir davantage d’options aux usagers.

En ajoutant trois stations, on va chercher de la nouvelle clientèle pour justifier le maintien du projet. Le train de l’est est très malmené par le projet du REM, donc, plutôt que d’assister à sa mort lente, il faudrait réinvestir.

Jean-François Lefebvre, chargé de cours au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal

Raymond Moquin, président du CEM-E, insiste sur le fait que cette étude a été réalisée avec des moyens réduits. Imaginez si l’ARTM, avec les moyens qu’elle possède, développait une ou deux propositions sur lesquelles travailler? En immobilisant des milliards sur un seul projet, on bloque pratiquement tout développement significatif de transport collectif sur l’ensemble de l’île de Montréal et la banlieue, regrette-t-il, ajoutant que l’argent qui serait épargné sur le projet pourrait servir à élargir le transport collectif sur l’île et à étendre le réseau progressivement; une flexibilité que ne permet pas — ou moins — le train léger.

Ingérence politique

Le collectif estime que l’ARTM s’est fait mettre des bâtons dans les roues par Québec. Elle a eu la consigne d’optimiser le REM, ce qui ne lui a pas permis d’étudier d’autres scénarios que le train léger automatisé utilisé par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) Infra pour le REM, d’où la recommandation d’un train souterrain, déplore le vice-président du collectif, Daniel Chartier.

L’ARTM ne peut pas faire ce qu’il faut faire dans les règles de l’art, car elle a les pieds et poings liés, dénonce le collectif depuis quelques années, rappelle Daniel Chartier. Ce dernier estime que le train aérien est totalement incompatible avec le cadre bâti de l’est.

Il souhaite par ailleurs entendre François Legault et Valérie Plante dire qu’ils vont étudier les autres projets ainsi que les solutions moins chères.

Une préférence pour le tramway

Chaque dollar investi dans le réseau de tramways et trains-trams permet d’aménager 10 fois plus de kilomètres de lignes et jusqu’à 17 fois plus de stations qu’un métro, souligne Jean-François Lefebvre. Ainsi, pour le même coût, il est possible d’avoir 84 stations sur 58 kilomètres.

Il rappelle qu’une consultation publique a eu lieu en 2022 et qu’il y a eu un consensus voulant que le tramway soit le mode de transport à privilégier. De plus, les membres du collectif ont procédé à une quarantaine de simulations où ils ont comparé le tramway, le REM et l’autobus : Le tram s’en tire avantageusement, dans 90 % des cas, par rapport au REM.

 

Temps total de déplacement et confort des usagers

Un réseau de surface est susceptible d’offrir des temps de parcours avantageux et un meilleur confort aux passagers, ajoute Jean-François Lefebvre.

Le fait d’être sur rails, combiné à la traction électrique, permet une accélération et une décélération plus grande que celles permises par un autobus traditionnel, explique encore M. Lefebvre, sans compter la priorité qui serait donnée au tramway aux feux de circulation.

Le train-tram (un véhicule dérivé du tramway, apte à circuler à la fois sur des voies de tramway et sur le réseau ferroviaire) ou encore le tramway pourraient atteindre une vitesse de croisière de 37 km/h dans un réseau de surface (ce qui est équivalent à la proposition de la CDPQ).

C’est moins la vitesse de pointe qui compte que le temps total de déplacement porte à porte, entre le point d’origine et la destination.

Daniel Chartier, vice-président du Collectif en environnement Mercier-Est

En effet, certaines stations du REM sont prévues à deux kilomètres de distance chacune, impliquant qu’un usager devra prendre le bus pour se rendre à la station la plus proche. Ainsi, en multipliant les points d’accès, le temps total de déplacement se veut moindre.

Des boîtes à sardines

Un autre aspect complètement occulté par la proposition de l’ARTM est le confort des usagers et particulièrement des personnes âgées, note Jean-François Lefebvre. Avec le REM, 15 % des usagers seraient assis pendant les heures de pointe, alors qu’avec le tramway ou le train-tram, on arrive à 45 % de places assises, soutient-il.

M. Lefebvre insiste aussi sur le fait que la norme de confort de référence, utilisée par tous les fabricants de trams à l’heure actuelle, est de quatre passagers debout par mètre carré. La CDPQ utilise 5,5 passagers debout par mètre carré dans sa proposition, en comparant le modèle de transport en commun de la CDPQ Infra à celui de Tokyo.

Dans une optique de transition énergétique, le chargé de cours conclut qu’en prenant l’ensemble de ces éléments, le tram permet plus de stations, plus d’accessibilité, il est beaucoup plus rapide, il attire des passagers et il fait un énorme transfert modal.

En se référant à des études menées dans six agglomérations françaises, on constate, deux ans après l’implantation du tramway, de 26 % à 46 % d’augmentation d’achalandage sur l’ensemble du réseau du transport collectif dans la ville.

Le Collectif en environnement Mercier-Est demande également que la proposition retenue par Québec fasse l’objet d’une consultation publique avant toute prise de décision finale et que la CDPQ Infra soit tenue à l’écart du projet, que ce soit « par la porte d’en arrière ou par la porte d’en avant », en raison de son attitude jugée inacceptable.