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Vaut-il mieux un tramway ou des autobus ?
Vous avez raison : les autobus sont un excellent moyen de transport collectif… jusqu’à ce qu’ils soient bondés !
À un certain niveau d’achalandage, les autobus n’arrivent tout simplement plus à répondre à la demande.
Prenons un exemple un peu exagéré pour illustrer cette réalité : on ne pourrait pas remplacer la ligne orange du métro de Montréal par des autobus qui se succèdent. Il y a trop de passagers (jusqu’à 35 000 passagers à l’heure par direction durant la pointe du matin) pour les entasser dans des autobus. C’est tout simplement impossible.
Tramway, autobus, train léger, métro : il n’y a pas un moyen de transport collectif meilleur que les autres. Ça dépend plutôt du nombre de personnes qu’on doit déplacer aux heures de pointe, explique Pierre-Léo Bourbonnais, associé de recherche à la Chaire Mobilité et chargé de cours à Polytechnique Montréal.
Sur le plan pratique comme sur le plan économique, les autobus « normaux » sont le meilleur moyen de transport pour déplacer moins de 1000 passagers à l’heure par direction aux heures de pointe. De 1000 à 1500 passagers à l’heure, on peut débattre entre l’autobus et le tramway. De 1500 à 5000 passagers à l’heure, le tramway est clairement le meilleur choix (et le moins cher à long terme). Un train léger (ex. : REM) est bien adapté pour transporter de 5000 à 25 000 passagers à l’heure, et le métro peut déplacer entre 10 000 et 40 000 passagers à l’heure.
Sur un horizon de 20 à 30 ans, lorsqu’on doit déplacer entre 1000 et 5000 passagers par heure par direction aux heures de pointe, le tramway revient moins cher que l’autobus en comptant les coûts de construction et d’exploitation, estime le chercheur Pierre-Léo Bourbonnais.
C’est pourquoi la Ville de Québec veut construire un tramway au centre-ville, où il faudra déplacer 3500 passagers à l’heure par direction au début des années 2030. (Coût estimé du projet : 8 milliards.)
C’est aussi pourquoi l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) aimerait construire deux lignes de tramway dans l’est de Montréal, où il faudra déplacer 3650 passagers à l’heure sur l’antenne nord et 4200 passagers à l’heure sur l’antenne est en 2036. (Coût estimé du projet : 13 milliards.)
« Mathématiquement, il n’y a aucune discussion à avoir. Dans les deux cas [centre-ville de Québec et est de Montréal], il faut un tramway », dit le chercheur Pierre-Léo Bourbonnais.
L’administration de Valérie Plante aimerait aussi un tramway dans la rue Jean-Talon pour desservir entre autres le quartier qu’elle veut bâtir sur les terrains de l’ancien Hippodrome de Montréal, près du métro Namur1.
Pourquoi devrait-on remplacer les lignes d’autobus « normaux » quand on dépasse 1000 ou 1500 passagers l’heure aux heures de pointe ? Au Canada, un chauffeur d’autobus gagne environ 100 000 $ par an2. À partir de 1000 ou 1500 passagers par heure, les coûts d’exploitation des autobus sont trop élevés (il faut trop de chauffeurs). Le tramway, qui a besoin de moins de personnel, devient meilleur marché.
Et les services rapides par bus (SRB) avec une voie séparée ? Ça peut être une solution. Mais comme le tramway, les SRB nécessitent une voie séparée, qui coûte des milliards à construire et qui représente une partie importante de la facture totale.
De façon générale, un tramway devrait coûter seulement 15 % plus cher à construire qu’un SRB, selon le chercheur Pierre-Léo Bourbonnais. Mais exploiter un SRB revient d’une fois et demie à deux fois plus cher qu’un tramway, parce qu’il faut davantage de chauffeurs d’autobus.
« Sur Pie-IX à Montréal, il aurait fallu construire un tramway [au lieu d’un SRB] », dit M. Bourbonnais.
Le premier tramway dans une ville coûte toujours plus cher, car il faut construire un garage pour les wagons. À partir du moment où une ville possède un garage, un tramway coûte moins cher qu’un SRB à long terme.
Ce n’est pas seulement une question de coûts. Il y a aussi le confort des usagers et la fiabilité du service.
Pour les usagers, le tramway est plus confortable que les autobus. Il y a plus d’espace intérieur. « Il y a des limites avec les gens qu’on peut attirer avec les autobus. Il y a des familles qui ne prennent pas l’autobus parce qu’il n’y a presque pas d’espace pour la poussette, mais elles prendraient le tramway », dit M. Bourbonnais.
Le tramway est aussi plus fiable que les autobus « normaux », qui sont ralentis par la circulation et les feux rouges.
Bien sûr, le tramway demande des investissements initiaux plus importants, pour construire les voies séparées qui font son efficacité et son attrait. Mais après 20 ans, ces investissements sont rentabilisés. Ensuite, le tramway devient beaucoup plus rentable que l’autobus, à tous les points de vue.
On verra si le gouvernement Legault aura l’audace de prendre la meilleure décision à long terme pour le centre-ville de Québec comme pour l’est de Montréal.
En terminant, un détail qui mérite réflexion : sur ses quatre lignes d’autobus les plus fréquentées actuellement, Montréal aurait actuellement l’achalandage adéquat pour un tramway, selon M. Bourbonnais. Aux heures de pointe matinales, les lignes 141 Jean-Talon Est, 67 Saint-Michel, 165 Côte-des-Neiges et 51 Édouard-Montpetit déplacent toutes environ 1000 passagers à l’heure par direction. « En Europe, à 1000 passagers à l’heure, on commence normalement à regarder pour un tramway », dit M. Bourbonnais.
1. Lisez « Un tramway au cœur du futur quartier Namur-Hippodrome » de Radio-Canada
2. En incluant les avantages sociaux dont les coûts sont payés par l’employeur.
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