Ce sont des autorités publiques, de concert avec la population, qui doivent évaluer les projets de transport collectif afin d’identifier ceux qui répondent aux besoins des communautés selon le principe du bon mode au bon endroit.
Lettre ouverte
Montréal, le 27 novembre 2023
Legault doit laisser l’ARTM et la ville de Québec planifier des réseaux publics de tramways
Après avoir retiré le projet de tramway des mains du maire de la Capitale nationale, Bruno Marchand, le bureau du Premier ministre a retardé les consultations que l’Autorité régionale transport métropolitain (ARTM) devait tenir incessamment sur le tronçon du grand Sud-Ouest du projet de ligne rose. Nouvelles d’ici, média communautaire du grand Sud-Ouest, annonçait finalement qu’elles se tiendraient au début de 2024. Mais c’est symptomatique de la trop grande politisation du dossier. Nos cinq organisations craignent que l’éventuelle Agence de transports annoncée par la ministre Guilbault devienne un prétexte pour transférer à la CDPQ-Infra la planification des transports collectifs et en favoriser leur privatisation.
Ce sont des autorités publiques, de concert avec la population, qui doivent évaluer les projets de transport collectif afin d’identifier ceux qui répondent aux besoins des communautés selon le principe du bon mode au bon endroit. Ce n’est pas le rôle de la Caisse, celle-ci ne visant qu’à imposer son modèle d’affaires et la technologie qui lui est associée.
Rappelons que pour le « Projet structurant de l’Est » l’ARTM s’était vue imposer d’étudier uniquement des scénarios permettant « d’optimiser » la technologie du skytrain de la CDPQ-Infra. C’est uniquement après avoir conclu que le métro automatique léger, en milieu urbain, était inacceptable socialement en mode aérien tout en démontrant ses coûts pharaoniques en mode souterrain que l’ARTM a enfin eu l’autorisation d’étudier l’option d’un train de surface de type tramway.
En passant par la CDPQ-Infra, le gouvernement du Québec empiète de manière détournée sur les compétences de juridiction municipale. En principe, les élus municipaux sont les maîtres d’œuvre du plan d’aménagement et de développement sur leur territoire. Mais surtout, la CDPQ-Infra est une entreprise privée, créée par la Caisse de dépôts et de placement et du Québec, qui n’a ni l’objectif, ni les compétences pour favoriser l’utilisation du transport collectif. Son modèle d’affaires consiste à privatiser des corridors existants de transports collectifs parmi les plus performants, en y imposant son skytrain. Elle vise à rentabiliser ses investissements immobiliers tout en facturant aux villes et aux usagers des frais excessifs qui vont faire exploser les coûts et par le fait même les tarifs du transport collectif, tout en freinant le développement futur du réseau.
Des centaines de villes à travers le monde ont implanté, avec succès, le nouveau tramway au cours des dernières années. Ce mode de transport structurant permet de redévelopper nos friches industrielles tout en donnant au plus grand nombre de citoyens un accès à pied, avec accessibilité universelle, à un bien plus grand nombre de stations que le REM. Plus qu’un mode de transport, c’est un fantastique outil de réaménagement urbain.
De nombreuses études ont conclu que le tramway constitue le chaînon manquant de notre réseau de transport collectif, notamment pour la Ville de Québec. À Montréal, nous sommes confiants que le tramway constitue une excellente option pour le Projet structurant de l’Est tout comme pour celui du grand Sud-Ouest. Le tramway devrait être également à la base du futur réseau structurant de Laval, lequel aurait avantage à être connecté directement par tram au métro Côte-Vertu à l’ouest et au tram de l’Est. La ville de Longueuil aurait avantage à revenir à son projet de lien électrifié est-ouest basé sur le tramway, sans oublier le projet de tram de Gatineau.
Plutôt que de leur faire obstacle, le Gouvernement a grandement intérêt à accorder aux villes, aux instances comme l’ARTM et aux sociétés de transport davantage de pouvoir afin qu’elles puissent planifier, sans ingérence politique, puis implanter le rapidement possible les modes choisis incluant, lorsqu’ils s’avèrent requis, les futurs réseaux de tramways.
Jean-François Lefebvre, chargé de cours au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal
Daniel Chartier, vice-président, Collectif en environnement de Mercier-Est
Charles Frenette-Cyr, vice-président, Imagine Lachine-Est
Catherine Houbart, directrice générale, Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME)
Denis Allard, président, Fonds mondial du patrimoine ferroviaire
Karl Janelle, président, Coalition climat Montréal
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